Miséricordieux comme le Père

Sœur Françoise Libessart
Service de la Parole
Diocèse de Lille

Sens du mot « Miséricorde »


Pour définir la miséricorde, l'Ancien Testa­ment emploie essentiellement deux expressions : hesed et rahamin ;  chacune d'entre elles a une nuance sémantique différente.

Hesed

En tout premier lieu, il y a le terme hesed, qui indique une profonde attitude de « bonté ». Lorsqu’il indique les rapports entre deux hommes, ceux-ci sont non seulement bienveillants l'un envers l'autre, mais en même temps réciproquement fidèles en raison d'un engage­ment intérieur, et donc aussi en vertu d'une fidélité à l'égard d'eux-mêmes. Si hesed signifie aussi «grâce» ou «amour », c'est précisément sur la base d'une telle fidélité. Le fait que cet engagement ait un caractère non seulement moral, mais quasi juridique, ne change rien.

Lorsque, dans l'Ancien Testament, le mot hesed est rapporté au Seigneur, cela arrive toujours en rapport à l'Alliance que Dieu a conclue avec Israël. De la part de Dieu, cette Alliance fut un don et une grâce pour Israël. Cependant, puisque en cohérence avec l'Alliance conclue, Dieu s'était engagé à la respecter, hesed acquérait, en un certain sens, un contenu légal. L'engagement juridique de la part de Dieu cessait de l'obliger, lorsqu'Israël enfreignait l'Alliance et n'en respectait pas les conditions. Mais précisément alors, hesed, cessant d'être une obligation juridique, révélait son aspect plus profond: elle se manifestait telle qu'elle était dans son principe, c'est-à-dire comme un amour qui donne, un amour plus puis­sant que la trahison, une grâce plus forte que le péché.

Cette fidélité à l'égard de la « fille de mon peuple» infidèle (cf. Lm 4, 3. 6) est, en définitive, de la part de Dieu, fidélité à lui-même. Cela apparaît évident surtout, dans le retour fréquent du binôme hesed we'emet (= grâce et fidélité) (cf. par exemple Ex 34, 6; 2 S 2, 6; 15, 20; Ps 25(24),10; 40(39)11-12; 85 (84), 11; 138(137),2; Mi 7, 20). «Ce n'est pas à cause de vous que j'agis ainsi, maison d'Israël, mais c'est pour mon saint Nom» (Ez 36). Ainsi Israël, accablé de fautes pour avoir enfreint l'Alliance, ne peut prétendre avoir droit à la hesed de Dieu en se fondant sur une justice légale; et pourtant, il peut et il doit garder l'espoir et la confiance de l'obtenir, parce que le Dieu de l'Alliance est réellement « responsable de son amour ». Le fruit d'un tel amour, c'est le pardon et la restauration de la grâce, le rétablissement de l'alliance intérieure.

Rahamim

Le second mot, qui sert dans la terminologie de l'Ancien Testament à définir la miséricorde, est rahamim. Il a une nuance différente de celui de hesed. Tandis que ce dernier met en évidence ces caractères: «  être fidèle à soi-même » et «être responsable de son amour» (qui sont en un certain sens des caractères masculins), rahamim, déjà dans sa racine sémantique, dénote l'amour de la mère (rehem = le sein maternel). Du lien très profond et originaire qui lie la mère à l'enfant, naît un rapport particulier avec lui, un amour tout spécial. De cet amour, on peut dire qu'il est entièrement gratuit, qu'il n'est pas le fruit d'un mérite, et que, sous cet aspect, il constitue une nécessité intérieure: c'est une exigence du cœur. Il y a là une variante presque « féminine» de la fidélité masculine à soi-même, exprimée par la hesed. Sur cet arrière-fond psychologique, rahamïm engendre une échelle de sentiments, parmi lesquels se trouvent la bonté et la tendresse, la patience et la compréhension, c'est-à-dire la promptitude à pardonner.
L'Ancien Testament attribue au Seigneur justement ces caractères, quand il parle de lui en utilisant le terme de rahamïm. « Une femme oublie-t-elle son petit enfant, est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles? Même si les femmes oubliaient, moi je ne t'oublierai pas» (Is 49, 15).

Cet amour, fidèle et invincible grâce à la force mystérieuse de la maternité, est exprimé de diverses manières: comme salut dans les dangers, spécialement ceux qui viennent des ennemis; mais aussi comme pardon des péchés - à l'égard des individus, et aussi de tout Israël -, et enfin, dans la promptitude à accomplir la promesse et l'espérance malgré l'Infidélité humaine, comme nous le lisons dans le livre d'Osée: «Je les guérirai de leur infidélité, je les aimerai de bon cœur» (Os 14, 5).

De la sorte, nous héritons de l'Ancien Testament, non seulement la richesse des expressions utilisées par ses Livres pour définir la miséricorde divine, mais aussi une «psychologie», évidemment anthropomorphique, qui est propre à Dieu: l'image émouvante de son amour, qui, au contact du mal et en particulier du péché de l'homme et du peuple, se manifeste comme miséricorde. Cette image est composée, en plus du contenu général du verbe hanan, du contenu de hesed et  de celui de rahamïm, Le terme de hanan exprime un concept plus large il signifie en effet la manifestation, de la grâce, qui comporte, pour ainsi dire, une prédisposition constante, magnanime, bienveillante et, pleine de clémence.


Note  dans l’encyclique de Jean-Paul II, La miséricorde divine.

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